
bord du Fantasia, vous êtes des rois. Oubliées les corvées, vous vous épanouissez dans un monde de luxe au rabais. Vous faites semblant d’oublier que votre carte bleue est sous perfusion. Pourtant nul n’est dupe.
Je me balade sur le bateau et dessine cet univers en toc où l’argent coule à flot. Du jacuzzi extérieur aux vélos de la salle de muscu, des boutiques chics du pont 6 aux salons de danse cosy du pont 7, je déambule jusqu’à tomber sur le casino.
Ça clignote, ça carillonne, ça fume… Lieu d’auto-démonstration par excellence, l’individu classe moyenne vient afficher sa désinvolture dépensière pour impressionner sa compagne.
A quoi bon venir jeter son argent dans ce casino aussi sûrement que dans un vide-ordure ?, je me demande.
Quelques grandes batailles au black jack, à la roulette ou au poker seront remportées durant cette soirée. Puis un certain nombre de défaites. Crispation, espérance, joie, déception. Voilà ce qu’ils viennent acheter, des émotions.
Me faisant cette réflexion, voilà que je tombe sur une exception. Un couple d’une soixantaine d’années, en train de jouer côte-à-côte sur leurs machines à sous respective. Ils insèrent leurs pièces mécaniquement, sans passion. Ils n’échangent pas un mot, pas un regard. De temps en temps, leur machine se met à claironner, signe d’un gain certain. Une machine dans tous ses états et un joueur absolument impassible, le contraste est saisissant.
D’abord je trouve la scène fabuleuse et puis soudain je suis pris d’une grande tristesse.
La comparaison me saute aux yeux. Je retrouve à travers ce couple amorphe l’archétype du drogué dont la dose ne suffit plus à exalter, épanouir ou transcender, mais seulement à apaiser. »