aint-Amand-en-Puisaye, et son gros millier d’habitants, était parti il y a dix ans pour devenir un « désert médical ». Trois généralistes, un dentiste, une psychologue, un podologue, trois infirmières libérales, un kiné, une diététicienne, une orthophoniste neuropsychologue, une sage-femme et une ergothérapeute y officient aujourd’hui, au sein d’une maison de santé.
Le petit village bourguignon continue de perdre des habitants, mais la structure bourdonne d’activités. L’homme par qui le miracle est arrivé, Michel Serin, ouvre sa porte avec le sourire et sans chichis : « Les bouchons parisiens, je connais. » Ses minutes sont précieuses, son carnet de rendez-vous affiche complet pour les trois semaines à venir. Visage rond, lunettes rondes, la mine du bon docteur met en confiance.
Vingt-cinq ans qu’il promène sa bienveillance sur les routes de la Nièvre. Fils d’un militaire abonné aux déménagements, il parle de son installation en Bourgogne comme un gamin de son premier jouet : « C’était le 12 mai 1986. Quand j’ai posé ma plaque, je me suis dit : “Je la visse pour trente ans.” »
Amoureux de la médecine, élu municipal, médecin des pompiers et président de l’Association des amis de la poterie, Michel Serin a fait de Saint-Amand un village précurseur en refusant, au début des années 2000, de le voir devenir un « village dortoir ». L’unique confrère de la commune s’apprêtait à partir à la retraite et peinait à trouver un remplaçant. Le docteur Serin, soixante-dix heures de travail par semaine à son actif, n’était pas en mesure de reprendre ses patients.
Naît alors l’idée de créer une collectivité médicale pour attirer de nouveaux médecins. La communauté de communes accepte de financer le projet. La formule brise l’isolement des médecins de campagne et séduit. Le docteur Serin déménage son cabinet du 18 au 16 de la Grande-Rue où est installée la structure. Plusieurs spécialistes exerçant en libéral le rejoignent, et versent un loyer. Il est heureux : « À l’arrivée du troisième généraliste, je terminais dès 20 heures. »
Le bon docteur use du rassemblement d’énergies pour donner corps à une médecine dynamique et humaine. Face au vieillissement de la population et à l’explosion de maladies chroniques (insuffisance cardiaque, diabète, démence…), il prône le dialogue entre médecines généraliste et spécialiste, publique et libérale. Défenseur acharné de la prise en charge à domicile, il associe au projet une société de taxis. Cette logique de coopération, financée par la Sécurité sociale, s’apparente à « une révolution ».
Dix plus tard, quatre cents maisons de santé ont vu le jour en France, près d’un millier sont en projet. Les patients du canton, qui a vu encore douze médecins s’en aller, sont de plus en plus nombreux à prendre leur voiture pour se faire soigner à Saint-Amand. Le docteur Serin n’y voit pas de problème : « J’ai un samedi de libre sur trois », sa femme un peu moins : « Il ne rentre jamais avant 22 heures. »
Plusieurs de ses habitués regrettent le bon vieux temps, quand la file d’attente était moins longue. Avec le succès, la maison de Santé de Saint-Amand-en-Puisaye cherche maintenant un quatrième généraliste.
Paru dans le numéro 22.